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La masturbation : la grande histoire d'une pratique diabolisée

Au fil des siècles, la masturbation, qu’elle soit féminine ou masculine, a toujours été diabolisée. Tout a été fait pour qu’elle soit interdite.
Publié le
26
/
04
/
2020

Petite histoire de la masturbation féminine


De la diabolisation au boom des ventes de sextoys, la chroniqueuse Marine Gasc retrace l’histoire de l’onanisme chez les femmes.


« Au fil des siècles, la masturbation, qu’elle soit féminine ou masculine, a toujours été diabolisée. Tout a été fait pour qu’elle soit interdite », affirme Marine Gasc, autrice de Raconte moi l'histoire de la sexualité. Pour Brut, elle revient sur l’évolution des mœurs en termes d’onanisme féminin depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui.


Sous l’Antiquité


Sous l'Antiquité, il est coutume de dire que la femme ne maîtrise pas son plaisir. Cela vient d’une légende de la mythologie. Il s’agissait d’une conversation entre Zeus et Héra, qui se demandaient qui de l’homme ou de la femme prenait le plus de plaisir. Ils étaient incapables de répondre à cette question parce qu’ils étaient soit homme, soit femme.


Ils ont donc demandé à Tirésias, né homme, puis transformé en femme, avant de retrouver son corps d'origine, de donner une réponse. Il a été très sûr de lui, en disant que si on devait partager le plaisir, l'homme prendrait un dixième de ce plaisir et la femme prendrait le restant, soit neuf dixièmes, ce qui est beaucoup plus important. Il y a donc cette notion de plaisir décuplé chez la femme.


Étant donné que la femme connaît un plaisir beaucoup plus grand et beaucoup plus intense, il est considéré comme important de le contrôler. Cela fait beaucoup trop de choses à gérer pour ses frêles épaules : c’est ce qui se dit durant l'Antiquité. On va donc tenter de contrôler son plaisir en faisant en sorte de le faire disparaître ou de le concentrer dans les relations à deux et dans le couple marié.


Au Moyen-Âge


Au Moyen-Âge, la masturbation est strictement interdite, elle est diabolisée. Avec l'influence de l'Église, il ne faut surtout pas se masturber, encore moins en parler. Dans la Bible, on peut citer le crime d'Onan. Onan, à la mort de son frère, devait épouser sa belle-sœur, car c’est ce que voulait la coutume, mais il a préféré se masturber à ses pieds plutôt que de procréer, de lui donner une descendance.


La masturbation et le plaisir sont vraiment diabolisés : l’important, c’est la procréation.


À la Renaissance


À la Renaissance, alors que la masturbation féminine a été passée sous silence pendant des siècles, un auteur italien nous raconte l’histoire d’une veuve, qui, dépendante financièrement, est obligée de retourner vivre chez son frère, très friand de charcuterie. Après quelques semaines de vie commune, le frère se rend compte que sa sœur se masturbe avec des saucisses dans la cuisine chaque nuit, et qu’elle ne peut pas s’en empêcher parce que son plaisir lui rappelle son époux.


C’est quelque chose de très important pour elle, qu’elle fait très régulièrement. C’est l’une des premières fois qu’on peut vraiment parler de masturbation féminine, à la Renaissance. Ce qui peut être assez drôle, c’est que ce frère refuse le remariage de sa sœur pour ne pas entacher l’honneur de la famille. Il préfère annoncer publiquement, lors d’un dîner devant toute la famille, qu’elle se masturbe avec ses saucisses. En cela, il lui demande de bien vouloir arrêter de le faire.


Mais elle ne se démonte pas et lui dit que oui, effectivement, elle le fait, et que la seule solution pour qu’elle arrête et qu’il puisse lui à nouveau profiter de sa charcuterie, c’est qu’il accepte de la laisser se remarier. Le frère accepte alors le remariage. Il préfère qu’elle se remarie – alors que c’est contre les principes religieux – plutôt qu’elle se masturbe sous son toit.


Au XIXème siècle


À partir du XIXème siècle en Europe, il existe un paradoxe autour de la masturbation et du plaisir féminin. Les médecins pensent que le clitoris doit être enlevé, soit parce que c’est un pénis raté, soit parce qu’il apporte du plaisir et que ce n’est pas souhaitable, soit parce qu’on ne sait pas trop à quoi il sert et dans le doute, on préfère l’enlever.


Selon Tissot, médecin français du XIXème siècle, la masturbation et le plaisir féminins peuvent engendrer chez la femme de nombreux troubles, notamment la diminution des sens comme l’ouïe, l’odorat ou la vue. Selon lui, cela peut également abîmer les organes et jouer sur l’humeur.


Quelques années plus tard, en Angleterre, le docteur Granville est en train de mettre au point un système pour calmer les crises d'hystérie chez les femmes : le massage vulvaire. Il s’agit de stimuler le clitoris jusqu’à l’orgasme. Cela représente jusqu’à 30 % de son chiffre d’affaires. Il décide donc de transformer un outil qu’il utilisait pour les douleurs musculaires chez les hommes en objet vibrant pour stimuler le clitoris des femmes. C’est l’invention du marteau de Granville, le premier vibromasseur.


De nombreux médecins trouvaient en effet assez fastidieux de stimuler toute la journée. Ils estimaient que ce n’était pas leur mission première. Ils ont donc été vraiment ravis de l’invention et de la diffusion du vibromasseur. D’autant qu’à partir de 1905, la commercialisation a commencé. Les femmes pouvaient acheter leur propre vibromasseur.


En 1983


Pendant plusieurs décennies, le marché du sextoy a plutôt joué sur le plaisir dit vaginal, interne, avec de la pénétration. Il faut attendre 1983, 100 ans après l’invention du premier vibromasseur, pour créer un sextoy à double stimulation, à la fois interne et externe. C’est ce qu’on appelle le rabbit.


Aujourd’hui


La masturbation féminine est beaucoup moins taboue. On a même pu constater, en cette période de confinement, que les ventes de sextoys ont augmenté de 40 % en France et plus de 75 % aux États-Unis. Ces dernières semaines, les sextoys qui ont eu le plus la cote sont ceux qui fonctionnent à deux, et à distance. Ils sont connectés et permettent une double stimulation à distance.